Je suis le ventre meurtri de Salrakaï.
Il était fort, il était gros ! Il puait bon le fond de ruisseau ! Un troll, un vrai ! Qui se dirigeait vers Salrakaï qui plus est. Alentar sauta de l’épaule du monstre et atterrit sur l’îlot où était la fille. Zorckal de son côté alluma sa torche. La bête arriva sur la rive. Le jeune Tueur se recula un peu afin de laisser la place à son aîné, qui semblait étrangement ailleurs.
« Qu’est c’tu fous Grank ? beugla Salrakaï, alors que le bestiau puant avait décidé de s’en prendre au plus vieux des deux nains.
-Bin y a Alentar qui vient de tomber à l’eau, dit-il en regardant distraitement le Nippon tenter se remonter sur un rocher.
Le Semi-Ogre s’était rapproché , torche allumée. Le troll attaqua le crêteux distrait. Il l’attrapa par le bras droit. Celui-ci tenta une riposte mais échoua.
« Balancez-lui de l’huile ! cria Zorckal au nain encore libre.
-Non ! Je bouge pas ! C’est son combat ! Sa destinée ! »
Voyant qu’il devrait agir seul dans l’immédiat, le colosse pyromane contourna le colosse puant par derrière, mettant ainsi les pieds dans l’eau.
La tête deGrank approchait dangereusement de la gueule du troll.
« Mais qu’est ce que t’attends pour m’aider ? » hurla-t-il à son jeune collègue. Celui-ci , voyant la lâcheté de son aîné, comprit qu’il n’était pas digne de s’en prendre à un ennemi aussi puissant. Il chargea en criant :
« Pute borgne ! T’es qu’une lavette ! »
Arrivé au contact, il se rendit compte de l’incroyable puanteur du monstre, qui lui piquait le nez et les yeux, l’empêchant de combattre avec tous ses moyens. Sa taille ne lui permit d’atteindre que les jambes et l’aine. Ses coups portèrent, mais la bête ne sembla pas s’en soucier, trop concernée par son repas imminent. Repas qui réussit à dégager son bras et à bloquer la gueule béante qui s’apprêtait à le décapiter.
« Mais coupe le bras abruti ! » beugla-t-il.
Salrakaï grogna, peu content de recevoir des ordres d’un pleutre. Il ne les suivit pas, déjà parce qu’il n’en avait aucune envie, et ensuite parce que les bras de l’ennemi était hors de portée de sa petite taille. Alentar s’était approché sautant de rocher en rocher, pendant que Zorckal avait versé de l’huile sur le dos du troll et y avait mis le feu puis s’était écarté. La bête stupide ne s’en était pas rendu compte. Le Tueur qui avait peur de la mort réussit à se dégager de l’étreinte mortelle de son agresseur et tomba au sol. Le monstre enfin libre, le jeune nain put enfin passer aux choses sérieuses.
« Dégagez ! Il est à moi ! »
Marquant son annonce, il frappa de toutes ses forces dans la jambe de son énorme vis-à-vis et réussit à la trancher. Le tout nouvel unijambiste hurla et porta enfin son attention vers le petit impertinent. Déséquilibré, il commença à tomber vers lui et en profita pour frapper. Son énorme poing fondit sur le nain, qui tenta une esquive. Malheureusement il avait mal anticipé le coup et se mut dans la mauvaise direction, se prenant l’attaque de plein fouet, dans le ventre. Il vola et atterrit presque dix mètres plus loin. Le troll, enfin à terre, rampa furieusement vers Salrakaï. Le Semi-Ogre le rattrapa avec ses longues foulées et tenta de le décapiter de sa hallebarde. La lourde lame mordit le cou mais ne le trancha pas. Le monstre tenta de repousser sans succès son assaillant. Le Tueur eut le temps de se relever et chargea afin d’achever son ennemi. Hélas, à son plus grand déplaisir, Zorckal porta un nouveau coup dans le cou qui du coup fut tranché sans à-coups. La bête décapitée emporta dans la tombe la destinée du crêteux dépité. Ce dernier poursuivit sa charge et la dirigea vers son grand compagnon qu’il voulut remercier d’un coup de poing, qui fût esquivé.
« Putain qu’est-c’tu fous ? protesta le colosse. Mais t’es vivant !
-Oui ! Et lui il est mort ! dit le jeune nain en désignant la carcasse puante. Il aperçut du coin de l’œil Alentar tomber dans l’eau alors qu’il essayait de rejoindre la petite fille sur l’îlot (« Oh merde encore ! » dit le Nippon). Bordel j’avais dit qu’il était à moi merde ! Pourquoi t’es intervenu ?
-Il est à toi .... Je croyais que t'étais mort moi !!! Puisque j't'ai vu volé, après un coup pareil je pensais que tu ne te relèverais pas !!!
-C’est pas avec cette pichenette qu'il allait me tuer! Tu m'as volé ma destinée! »
La dispute continua quelques instants et fut interrompue par le bridé, qui les héla depuis son îlot.
« Il y a d’autres trolls qui se baladent dans le marais !
-Quoi ?! s’interrompit de suite Salrakaï. Ils sont où ?
-Venez me rejoindre ! »
Le Tueur ne se fit pas prier. Il bondit sur le premier rocher, mais tomba à l’eau. Il grommela et atteignit tant bien que mal la petite butte de terre. Zorckal quant à lui alla rejoindre Grank. Le nain était au bord de l’eau et y plongeait son bras. De la vapeur s’élevait au contact de son membre dont le grand gant était enlevé, ce qui dévoilait sa nature mécanique . Il était en effet constitué de métal, de rouage, de vis et de verrou. Cependant Salrakaï n’en avait cure. Qui porterait la moindre parcelle d’attention à un Tueur qui avait peur de la mort ?
Il sortit de l’eau et demanda derechef à la jeune fille « Où sont les trolls ? ». Il n’eut qu’un haussement d’épaule en guise de réponse.
« N’ai pas peur du petit truc, il est impressionnant mais en fait il est gentil, rassura le Nippon.
-C’est qui qu’t’appelles petit truc, foie jaune ? grogna le crêteux en décochant un coup de poing, qui rata sa cible.
-Tu as vu d’autres gens dans le marais ? continua l’homme jaune.
La fille hocha la tête.
-Vivants ?
-Morts, tués par des trolls, d’autres bêtes ou parGlublug.
-Glublug ? releva le nain. Les skavens qu’on a buté hier parlaient d’un «glousssblougsss ».
-C’est quoi le Glublug petite ?
-Glublug c’est mon ami.
-C’est ton ami ? demanda Alentar.
-Oui, il est gentil avec moi, il me protège des trolls et des autres bêtes.
La perplexité et l’incompréhension se lurent sur le visage des deux compagnons.
-Et est-ce qu’il y a des skavens dans le marais ? Des gros rats qui marchent sur deux pattes, renchérit le nain.
-Oui il y en a. Ils sont méchants et mauvais, ils veulent prendre Glublug avec eux.
-Et est-ce qu’il y a des crabes ? Des trucs avec des pinces, continua Salrakaï.
-Oui, c’est des parties de Glublug. Ils viennent nombreux, ils se rassemblent et ils font Glublug.
Le Tueur commençait à comprendre. Il était très probable que la bête qu’il venait chasser était en fait ce Glublug. Mais il s’attendait à un monstre sanguinaire, pas une entité bienveillante qui faisait la nounou pour une gamine paumée dans un marais puant.
-Dis petite, tu veux bien nous montrer le Glublug ?
Elle marqua une pause, puis se décida.
-D’accord, mais vous promettez de défendre leGlublug contre le méchants skavens et de pas lui faire de mal !
Salrakaï réfléchit quelques instants. Un nain, même le plus déshonoré des Tueurs, ne faisait jamais un serment à la légère. Casser de l’homme-rat ne le gênait pas le moins du monde, mais il avait été engagé pour chasser le monstre. Cependant il rechignait à occire quelque chose de bon, et le protecteur de la jeune fille n’avait pas l’air d’avoir un mauvais fond. Il choisit ses termes avec soin.
-Je jure de tuer les skavens et de pas faire de mal au Glublug tant qu’il ne m’attaque pas. » Alentar prononça un serment du même acabit.
Satisfaite, la demoiselle repartit sur la berge en bondissant de rocher en rocher comme un cabri, suivie par le Nippon. Le nain tenta la même performance, mais tomba à l’eau. Trempé et grommelant, il finit la traversée à pieds avec de l’eau jusqu’au torse. Zorckal posa quelques questions a l’enfant perdue, qui les guida ensuite vers la chaumière, qui était belle et bien sa demeure.
« Dans deux heures on ira là où les skavens vont voir le Glublug .
-Dis petite, pourquoi tu vis pas au village, à Schonfeld ? demanda le Semi-Ogre
-Les villageois sont mauvais, ils veulent tuer Glublug ! »
Sur ces paroles péremptoires, la jeune hôtesse proposa des fruits à ses invites. Peu avant le départ, elle s’équipa de plusieurs dagues.
Grank décida de ne pas venir, son bras mécanique étant hors service.
« Espèce de couard, l’insulta Salrakaï.
-Je reviendrai plus tard m’occuper des autres trolls, tu peux te joindre à moi si tu veux, répondit le vieux nain, désireux de rattraper l’accès de faiblesse qu’il avait eu face au troll.
-Non, je viendrai pas avec toi, pourriture de lâche ! Va crever, bouffé par les rats ! »
L’honneur au fond des chaussettes, Grank s’en alla sans mot dire.
La gamine les mena à travers les marais jusqu’à une grande cuvette au centre de laquelle il y avait un cercle de cinq poteaux de pierre recouverts de mousse. Chaque poteau mesurait un mètre et deux d’entre eux avait sur leurs côtés un symbole gravé ressemblant à un Pi. Un cercle de cinq bosquets d’arbres entourait les poteaux, formant un hexagone avec un sommet vacant. Il y avait également quelques rochers. Cependant ce qui frappait le plus était la multitude de crabe qui se rassemblait petit a petit.
« Dans la nuit, les crabes viennent dans le centre des poteaux et Glublug apparait.
-D’où viennent les skavens ? questionna Alentar.
-De par là » répondit la jeune fille en designant le somment non boise de l’hexagone sylvestre.
C’était la fin de l’apres-midi, il y avait donc encore un peu de temps avant le « rendez-vous ».
« Zorckal, essaie de voir ce que tu peux faire pour le coup que j’ai reçu, demanda le Tueur. Je voudrais être au meilleur de ma forme pour recevoir nos « invités » de ce soir » conclut-il avec un sourire terrible.
Après que le colosse eut fini de jouer au docteur avec son collègue court-sur-patte, chacun se mit en position. Si les skavens arrivaient bien de la direction prévue, il y aurait donc un Tueur sanguinaire caché dans le premier bosquet sur leur gauche, un Nippon adepte de la mort silencieuse dans le premier bosquet sur leur droite, un Semi-Ogre affamé dans celui du fond, et une jeune fille apparemment sans défense dans le deuxième à droite.
La nuit tomba. Les crabes se regroupèrent au centre des poteaux, s’amoncellant en un tas informe d’où émergea une immense créature humanoïde de six mètres de haut constituée de crustacés géants accrochés les uns aux autres. Sa protégée s’approcha. Le golem de crabe la mit sur une épaule. Peu après cinq skavens arrivèrent de la direction attendue. Ils marchèrent vers le Glublug, s’arrêtèrent puis causèrent entre eux, pendant que le monstre composite émettait des bruits de pinces de crabes. Un des hommes-rats sortit d’un sac les têtes tranchées d’un homme et d’une femme qu’il jeta au monstre. Celui-ci les ramassa et les examina. La jeune fille s’agita et parla dans ce qui devait être le creux de l’oreille de sa baby-sitter. Puis elle adressa un regard dans les directions ou se trouvaient les trois aventuriers cachés. Il n’en fallut pas plus.
Salrakai chargea avec toute la non-discrétion dont il était capable. Il attira l’attention de la vermine, ce qui permit à Alentar de charger discrètement dans leur dos et d’éliminer un ennemi d’une unique attaque sournoise. Le nain arriva au contact. Son adversaire avait deux armes et s’en servit. Aucune ne toucha le barbu qui contre-attaqua d’un coup léger de chacune de ses haches avant d’achever son premier rat de la soirée d’un puissant revers de sa hache gauche. Le Nippon en avait trucidé un autre entre-temps, il en restait donc un chacun.
Le plat de résistance ne tarda pas à arriver. Trois autres skavens accompagnés d’un rat-ogre vociférant apparurent. Ne voulant pas laisser passer l’occasion d’affronter une telle bête, le Tueur de débarrassa rapidement de son vis-a-vis et chargea le monstre toutes haches dehors, l’interceptant alors qu’il se dirigeait vers Zorckal qui courait avec toute la puissance de ses longues quilles pour rejoindre la bataille. Ce fut une initiative heureuse, car un dernier protagoniste fit son apparition. Un Prophète Gris pointa en effet le bout de son museau et de ses cornes.
« Zorckal ! T’as des grandes jambes ! Va buter le mage ! » beugla Salrakaï.
Le Glublug brillait par son inactivité. Le nain para un coup de patte monstrueux tandis qu’un skaven maniant deux épées s’était positionné dans son dos. Celui-ci réussit à peine à lui entailler le cuir. Le Semi-Ogre, qui passait par là, tenta en pleine course de tuer le sournois homme-rat. Il se loupa mais continua son sprint vers le sorcier qui gesticulait et incantait dans une langue stridente. Le barbu contre-attaqua la bête, tandis qu’Alentar s’était occupé d’un ennemi et taillait maintenant le monstre dans son dos. Une énorme griffe entailla le cuir chevelu du crêteux, qui riposta. Un flamboiement vert illumina le champ de bataille quand le Prophète Gris invoqua un mur de flamme couleur malepierre pour le protéger du buffle qui le chargeait. Un deuxième skaven se mit sur le Tueur, qui n’était pas perturbé pour si peu. Son colossal opposant réussit à le frapper dans le bras droit, ce qui le déstabilisa et fit rater son contre. Zorckal sauta à travers le mur de flamme. Son pantalon prit feu, mais sa détermination était loin d’être éteinte, surtout maintenant qu’il était arrivé au contact. Salrakaï planta une hache dans le rat-ogre qui ne réussit pas à lui rendre la pareille. Le sorcier, malgré son duel avec le colosse, réussit à lancer un éclair vert sur le nain, qui avait déjà survécu à bien pire par le passé.
« C’est tout ce que t’as ? » mugit il à la vermine cornue.
Pour bien montrer la non-efficacité du sort, il acheva le rat-ogre d’un double coup de hache rageur. Le monstre s’écroula, révélant dans son dos les multiples blessures qui attestaient qu’Alentar n’avait pas été oisif. Le Nippon sauta sur le cadavre et attaqua une des deux vermines restantes. Le Tueur fit décrire un arc de cercle vers la gauche à son arme gauche pour tailler l’autre, qui esquiva, et riposta pour n’infliger qu’une éraflure. Salrakaï encaissa le coup et en profita pour passer sous la garde de son vis-à-vis et lui trancher le crâne. Le coup fut si violent qu’il en fut déséquilibré et tomba à terre, comme sa hache gauche. Ca n’avait plus d’importance désormais, car le combat était fini. Alentar et Zorckal avait occis leur adversaire.
Le Glublug, maintenant que tout était redevenu calme, se décida enfin à bouger. Le nain prit la tête du rat-ogre comme trophée. La jeune fille rayonnait. Elle remercia les trois aventuriers pour avoir tenu leur engagement.
« Hé petite, mène-nous là où on a laissé le troll. » demanda Salrakaï, l’esprit toujours pratique.
Elle s’exécuta avec enthousiasme, toujours perchée sur l’épaule de son grand ami. En chemin Zorckal lui demanda si le Glublug pouvait influencer les crabes et les faire prendre un chemin unique jusqu’au marais, afin de minimiser la gêne faite aux villages voisins. Elle promit de lui en parler mais ne garantit pas de succès. Il demanda ensuite à voir les têtes que les skavens avaient apporté. Le Glublug lui montra. Il d’agissait de deux paysans que l’équipe avait croisé à Birkeweise.
« Peut-on récupérer les têtes ? tenta le Semi-Ogre, qui malgré son imposante carrure était sans doute le plus diplomate du trio.
-Non ! répondit la fille, catégorique. C’est des gens qui voulaient faire du mal à Glublug ! Elle continua d’un air plus sombre. Les hommes-rats les ont utiliser pour convaincre Glublug de venir avec eux… » La discussion était close.
Le cadavre du troll était déjà infesté de vers, ce qui n’améliora pas son odeur d’origine. Le barbu ramassa la tête pourrissante. Il posa une question à la jeune guide.
« Ils sont où tes parents ?
-J’avais des parents », répondit-elle d’un ton neutre.
Pour passer l’envie aux autres de continuer une conversation, elle se posait là.
Elle les mena vers la chaumière, où se firent les adieux. Après quelques centaines de mètres sur le chemin du retour, Zorckal fit part d’une idée à ses compagnons. Il proposa de retourner dans la cuvette et d’essayer de détruire les poteaux. En soi ils ne se parjuraient pas, puisqu’ils ne faisaient pas directement de mal au Glublug. Salrakaï trouva le tour de passe-passe moral quelque peu foireux. De plus ça ne lui plaisait pas de nuire à l’ami de la gamine, même si la nature dudit ami était pour le moins douteuse. Il marcha dans la combine, mais avec un enthousiasme des plus modérés.
Revenue dans la cuvette, ils tentèrent de briser les poteaux, de les pousser et de les déterrer, mais ceux-ci bougèrent pas d’un iota. A peine le trio avait-il réussi à enlever un peu de mousse.
« J’avais vu dans la besace du sorcier skaven une fiole remplie d’un liquide vert fluo. J’essaierais bien de le verser sur les poteaux, proposa le Semi-Ogre.
-Pas une bonne idée, coupa le nain. Du vert fluo porté par un sorcier rat, il doit y avoir de la malepierre dans ta fiole. Si là le Glublug était plutôt sympa, balancer de la malepierre ici serait le meilleur moyen de le corrompre par le Chaos. Et là on risque de pas aimer la suite. »
Ils repartirent donc pour de bon vers Schonfeld. En chemin ils ramassèrent des carcasses de crabes, dix-huit au total, qu’ils décidèrent de se partager. Sans doute des dommages collatéraux causés par l’agglutinement de tant de crustacés pour former le Glublug. De retour au village au beau milieu de la nuit, ils retournèrent à l’auberge des « Amis Kis’Lèvent Vite » et profitèrent dans leur lit des dernières heures précédant l’aube.
Leur petit déjeuner fini, ils allèrent voir Alexander Molnar.
« Vous voilà déjà de retour messieurs ! Alors ? Avez-vous trouvé la bête ? »
Le trio s’était mis d’accord pour ne pas parler du Glublug. Salrakaï, n’aimant pas mentir, garda le silence pendant que ses compagnons relataient leurs péripéties en en omettant une partie. Ce qui faisait tout de même un beau tableau de chasse : une plante carnivore géante, une troll des marais, et une équipe skaven dont un sorcier. Pour les hommes-rats Zorckal et Alentar montrèrent les queues. Quant au nain il exhiba fièrement la tête troll. Molnar paraissait ennuyé de ne pas avoir ce qu’il voulait le plus, mais il remercia tout de même les nettoyeurs du ménage qu’ils avaient fait. La question du dédommagement fut cependant sujette à polémique.
« Cinquante couronnes d’or pour notre travail, commença le Semi-Ogre.
-Dix couronnes d’or, répondit le propriétaire terrien.
-Comment ça dix ? Après tout ce qu’on a fait ? Après avoir risqué nos vies ? Mais c’est du vol !
-Dix, répéta laconiquement Molnar, inébranlable.
-On est trois, reprit Salrakaï, vous pouvez bien arrondir à douze, ce sera plus simple pour partager.
-Je peux aussi arrondir à six, si c’est vraiment ce qui vous gêne. »
Cet argument eut raison de la ténacité des aventuriers.
« Aller, on prend les dix couronnes et on se casse ! Tiens ! Elle est à toi cette tête maintenant ! » lança le Tueur alors qu’il laissa tomber la tête nauséabonde du troll en décomposition aux pieds du notable.
Ils eurent droit à un traitement plus équitable de la part du capitaine Spenlihauer, qui les rétribua au tarif prévu pour les carcasses de crabes.
L’équipe repartit vers le phare pour prendre des nouvelles. Ils ne furent pas déçus. Enfin Salrakaï l’était évidement, car la garnison avait été attaquée durant la nuit par des skavens. Beaucoup de blessés se faisaient soignés. Beaucoup d’elfes étaient présents sur les lieux, plus que durant leur dernier séjour sur leur campement. Les compagnons rapportèrent au capitaine Jurg qu’ils avaient trucidé un sorcier skaven et sa suite dans le marais, sans compter les quelques hommes-rats de l’avant-veille. Le Tueur essaya en vain -ça devenait décidemment une habitude- de refourguer la tête du rat-ogre contre monnaie sonnante et trébuchante. Le capitaine, tout comme son collègue de Schonfeld quelques jours avant, fût au regret de lui dire qu’il n’y avait pas de récompense pour un tel trophée, mais qu’il le remerciait pour le service rendu. Dépité, le nain en fit quand même un don gracieux.
« Plantez-la sur une pique devant la muraille, ça fera flipper ces lâches s’ils ont l’idée de revenir.
-Je vous remercie, maître nain. L’arme psychologique est en effet efficace contre cette vermine. »
Le trio revint à Schonfeld, pour s’y restaurer et s’y reposer. Les trois aventuriers se séparèrent le lendemain matin. Alentar et Zorckal reprirent la route, mais leur compagnon décida de rester encore un peu.
Salrakaï n’en avait pas fini avec le marais.